Couleur corail

Le ciel est bleu très clair, mais on ne voit pas encore de nuages ; quelle idée aussi de se promener à 6 heures et demi sur la plage déserte! Mais moi, ça me plait, cette ambiance calme et paisible, ce silence continu où seules les vagues osent chuchoter. La mer porte un voile luisant avec d'innombrables petites perles de lumière à sa surface. Elle bouge au rythme de mes pas, quand elle s'arrête, je m'arrête aussi. Quelques arbres un peu desséchés bordent la jetée qui s'étend sur plusieurs kilomètres de dunes d'un sable presque blanc. Ça et là, quelques algues et autres petits trésors que la mer accepte de partager avec les passants curieux dépassent de la boue mouillée, mélange d'eau salée et de sable, reflétant les premiers rayons du soleil.

Bien qu'il soit très tôt, j'entends déjà les cris des mouettes au large, sans doute à la recherche de poisson. Les voiles d'un ou deux bateaux de pêcheurs se dessinent sur l'horizon, se découpant difficilement du brouillard.

Je suis pieds nus dans ce sable qui commence tout juste à se réchauffer, j'y ensevelis mes doigts de pieds, le fais glisser à travers ma main ouverte.

Quoi de plus agréable que le parfum iodé et puissant de la mer pour se détendre après une semaine de cours? Décidément, j'adore les week ends!

Je plonge et ressors de l'eau, me glissant tel un poisson. Oh, j'ai beau avoir une part de chat, j'aime tout autant l'eau. Certainement car les poissons y sont nombreux.
Je n'ai aussi aucune chance de me noyer, qu'est ce que je t'aime, ô instinct animal! Faisant surgir ma tête une énième fois, je regarde la direction du soleil, et en déduis qu'il est encore super tôt pour que des gens débarquent et souillent ma si agréable solitude.
Je vais un peu vers le large, m'amusant à ouvrir les yeux sous l'eau, et à observer les poissons. Certainement grâce à mon immortalité, le sel ne me pique absolument pas. Je fais la planche, en profitant pour me reposer et observer le ciel.
Soudain, une douleur lancinante me vient au dos. Apeurée, je nage comme une folle vers la plage, et en chemin je sens une aura qui m'est familière. Pas le moment de m'en occuper! Une gigantesque méduse est collée sur moi.
Arrivée au sec, j'ai le réflexe idiot de me traîner et de me retourner dans le sable. L'animal gluant se détache de mon dos et, chanceux, est ramené dans l'eau par une vague. Tant mieux pour lui, je n'y serai de toute façon pas allé de main morte.
Je ne peux voir mon dos, mais je devine qu'il est très amoché. Tant pis, ça guérira bien vite! Je m'étends, épuisée.

Je voix une personne sortir de l'eau! Je ne reconnais pas immédiatement son odeur, noyée dans le sel, mais je vois bien qu'elle se débat et qu'elle se frotte le dos contre le sable humide. Elle a l'air de souffrir, mais elle ne crie pas, ne gémit pas non plus. Je la vois de dos, celui-ci est d'ailleurs très rouge, strié de plaies couleur bordeaux. La personne se retourne, et je constate avec surprise que c'est Akako! Je m'approche d'elle à pas furtifs, j'essaie de trouver un moyen de soigner ses plaies.

"Akako! Comment tu t'es fait ça? Tu t'es pris un rocher?"

Je me dis qu'avant d'entreprendre une action de secourisme (ironie, ironie!), il vaut mieux que je sache l'origine de sa blessure...

Je vois Mai accourir, pieds nus et essoufflée. Arrivée près de moi, elle me demande:

"Akako! Comment tu t'es fait ça? Tu t'es pris un rocher?"

Je souris à son inquiétude.

"Une méduse. Oh ça va, ne t'en fais pas, ça va guérir à vue d'Œil. C'est à ça que ça sert l'immortalité: en prime, j'ai une régénération monstre! Puis, j'ai déjà vécu pire, ça ira je te dis."

Je lui lance un regard consolant. Elle a l'air d'être encore plus préoccupée que moi. Certainement n'a-t-elle pas l'habitude de voir des gens blessés. Si innocente, hein. J'observe le soleil se débattant à dépasser les nuages rosis. C'est très beau, je trouve. J'aimerais bien en attraper un, de nuage, et vérifier quel goût ça a.

Akako me sourit, elle n'a pas l'air d'avoir très mal.

"Une méduse. Oh ça va, ne t'en fais pas, ça va guérir à vue d'Œil. C'est à ça que ça sert l'immortalité: en prime, j'ai une régénération monstre! Puis, j'ai déjà vécu pire, ça ira je te dis."

Elle regarde le ciel en me parlant. Les nuages ont l'air d'être sucrés et doux, comme... Comme...

"...De la barbe à papa!"

Ces derniers mots sont sortis tous seuls de ma bouche.

"Euh... J'voulais dire que ça doit avoir aussi du bon d'être immortelle! Mais... Tu vieilliras jamais? Ou alors tu deviens vieille et ensuite ça fait une grande explosion lumineuse -KPOOOOOW- *j'accompagne mes mots de grands gestes pour symboliser l'explosion* et après -hop- tu renais?"

"...De la barbe à papa!"

Je remarque qu'elle pense exactement à la même chose que moi. De la télépathie?!

"Euh... J'voulais dire que ça doit avoir aussi du bon d'être immortelle!"

J'hoche la tête, même si je reste pas trop convaincue.

" Mais... Tu vieilliras jamais? Ou alors tu deviens vieille et ensuite ça fait une grande explosion lumineuse -KPOOOOOW- *j'accompagne mes mots de grands gestes pour symboliser l'explosion* et après -hop- tu renais?"

Je ris aux éclats à cette mise en scène très réaliste. Et puis quoi encore? Je me tourne vers elle et réponds:

"Je reste comme ça, pour touuujours. Oh et puis, un autre bon point à l'immortalité, mon corps ne faiblit pas. Bien sûr je ressens la fatigue, la faim, mais ça s'oublie vite fait. Et non, il n'y a jamais d'explosion lumineuse, ni de renaissance."

Je souris ironiquement, toujours amusée.

Akako rit aux éclats. Puis, se ressaisissant :

"Je reste comme ça, pour touuujours. Oh et puis, un autre bon point à l'immortalité, mon corps ne faiblit pas. Bien sûr je ressens la fatigue, la faim, mais ça s'oublie vite fait. Et non, il n'y a jamais d'explosion lumineuse, ni de renaissance."

"OOooh. J'me l'étais pas imaginé comme ça! Mais ça voudrait dire que t'as vu naître les voitures, internet et tous ces trucs là?!"

C'est passionnant d'entendre les histoires du passé, ça m'a toujours amusée! Je regarde Akako avec de grands yeux, un peu comme un poisson rouge dans son bocal.

"OOooh. J'me l'étais pas imaginé comme ça!"
Et comment! Encore un peu et elle me sortait une histoire de super pouvoirs, pour couronner le tout.
"Mais ça voudrait dire que t'as vu naître les voitures, internet et tous ces trucs là?!"
Je ris, et lance:
"Je commence à me sentir vielle, tout d'un coup!"
Je prends mon souffle et commence à raconter:
"Eh bien oui, j'ai vu ça apparaître. Et encore, j'en ai vu plein, des trucs. Je me rappelle le gars qui a dit que l'urine servait à faire du dentifrice. C'était mon voisin, à cette époque là. Le pire c'est que tout le monde l'a cru! Même les nobles!"
Je m’interromps un peu et lui lance un regard gêné:
"Ah, ça doit pas trop t'intéresser quand même... Parfois je me laisse aller."

"Je commence à me sentir vielle, tout d'un coup!"

Meûhnon, elle ne l'est pas! On est tous jeunes dans notre tête, comme dans la pub d'Evian!

"Eh bien oui, j'ai vu ça apparaître. Et encore, j'en ai vu plein, des trucs. Je me rappelle le gars qui a dit que l'urine servait à faire du dentifrice. C'était mon voisin, à cette époque là. Le pire c'est que tout le monde l'a cru! Même les nobles!"

Je fais une moue un peu dégoûtée! Quelle idée de se servir de... AAAaah! Je n'ose même pas y penser!

"Ah, ça doit pas trop t'intéresser quand même... Parfois je me laisse aller."

"Mais non, c'est passionnant! Si seulement les cours d'histoire étaient comme ça, on s'ennuyerait moins! Mais non, 'faut qu'on nous parle des guerres, des maladies et des génocides..."

"Mais non, c'est passionnant! Si seulement les cours d'histoire étaient comme ça, on s'ennuyerait moins! Mais non, 'faut qu'on nous parle des guerres, des maladies et des génocides..."

Je souris à cette remarque. Elle n'a pas complètement raison, mais pas tant que ça tort.

"Bah, c'est surtout pour vous dire ce qu'il s'est vraiment passé quoi... Et enseigner aux élèves comment être cruels, haha. Après ça peut être intéressant, de savoir qui a fait ceci et cela. Mais je suis d'accord, ça sert à rien, les guerres... Apprendre par coeur les noms des plus grands assassins, je trouve que c'est un peu tarte quand même."

Je prends un peu de sable et le regarde me filer entre les doigts.

"J'ai été créée pendant une grande, très grande guerre. J'étais sensée servir comme machine à tuer. Les humains sont tellement cupides, de temps en temps..."

L'air était frais et doux, tout était tellement calme en ce début de matinée... Et comme tous les matins à l'aube, je courrais. C'étais une habitude que j'avais prise avec une de mes soeurs. Comme les anges n'ont pas besoin de dormir, il nous arrivait de nous ennuyer à mourir dans ces heures creuse qui précèdent le matin, où tout ou presque est endormi. Nous avions donc commencé à courir dans les alentours du ryokan, à la fois pour passer le temps, améliorer notre endurance et se défouler. Faire du sport aide les anges à se débarasser de toutes les énergies négatives accumulées, et je suis persuadé que ça marche pas seulement sur nous. Les humains devraient en faire plus souvent, à mon avis... Enfin après, c'est une question de point de vue.

Je courrais donc à longues foulées souples, mon casque sur les oreilles avec le volume au minimum, ce qui me permettait d'entendre la musique ET ce qui se passait autour de moi. Le vent me soufflait dans les cheveux, l'air s'imprégnait petit à petit d'une odeur iodée... J'arrivais à la mer!! J'éclatais de rire en découvrant la plage devant moi après avoir passé le dernier détour du chemin. Deux silhouettes attirèrent immédiatement mon regard, près de l'eau. Deux autres pensionnaires! Précisément, les deux dessinatrices que j'avais rencontrées à la bibliothèque le jour de mon arrivée. Mmmh... Mai et Akako, si je ne me trompais pas. Sans ralentir, je partis vers elles en m'exclamant, avec un grand sourire:

"Hey les filles!! C'est beau la mer le matin, pas vrai?!"

"Bah, c'est surtout pour vous dire ce qu'il s'est vraiment passé quoi... Et enseigner aux élèves comment être cruels, haha. Après ça peut être intéressant, de savoir qui a fait ceci et cela. Mais je suis d'accord, ça sert à rien, les guerres... Apprendre par coeur les noms des plus grands assassins, je trouve que c'est un peu tarte quand même."

Je souris tristement à cette remarque. Oh, pas que parfois...


"J'ai été créée pendant une grande, très grande guerre. J'étais sensée servir comme machine à tuer. Les humains sont tellement cupides, de temps en temps..."

Ses yeux deviennent bien tristes, tout à coup. Ils semblent avoir perdu leur lueur enfantine et pétillante qu'ils ont d'habitude...

"Je crois qu'ils ne s'en rendent pas compte..."

Décidément, l'ambiance n'est pas au mieux de sa forme, jusqu'à ce que Ren débarque en courant -du jogging?! Personnellement, je n'aime pas courir sans but. J'aime mieux fuir ou poursuivre, c'est un des seuls points ou je sens vraiment mon instinct de "loup".

"Hey les filles!! C'est beau la mer le matin, pas vrai?!"

"Ren! Tu t'es déjà baigné toi?"

J'avais totalement oublié le but de ma petite promenade : goûter à l'eau salée de la mer! Voir les poissons! Ce qu'il fait bon d'être ici, juste entre amis, sans rien de prévu en particulier...

Nous nous taisons, profitant du paysage, quand Ren débarque, les cheveux au vent et un casque sur les oreilles. Ça lui donne un air très nonchalant. Il fait du jogging, à ce que j'ai remarqué.
"Hey les filles!! C'est beau la mer le matin, pas vrai?!"
J'hoche la tête.
"Ren! Tu t'es déjà baigné toi?"
À ces mots, je commence à imaginer Mai nager. Une image d'un chaton tout mouillé me vient à l'esprit et manque de me faire ricaner. Je chasse cette pensée, en me disant qu'il faut vraiment que j'arrête de "m'imaginer Mai", sous peine d'être prise pour une folle.

Je m’arrête à leur hauteur et abaisse mon casque sur mes épaules. Elles ont l'air en forme, même si l'air est encore imprégné d'une légère mélancolie... Aurais-je interrompu une conversation douloureuse?

"Ren! Tu t'es déjà baigné toi?"

Douloureuse ou pas, la conversation précédente n'est plus, maintenant c'est la bonne humeur, yihouu!! Ren est en pleine forme et compte bien en faire profiter tout le monde!!!

"Ici? Pas encore mais je crois que ça ne vas pas tarder!!"

Ren me répond, presque hilare (je dis presque parce que j'en suis pas sûre!^^):

"Ici? Pas encore mais je crois que ça ne vas pas tarder!!"

"Super, ça vous dit d'y aller tout de suite? Enfin... Si t'as plus mal, Akako!"

Impatiente à l'idée de me baigner enfin (une des choses que je voulais ab-so-lu-ment faire depuis que j'avais un peu vu à quoi ressemblait la ville), j'enlève déjà ma robe en coton sous laquelle je porte un bikini noir à ficelles vert fluo. Je jette à mes deux amis un regard enjoué, mais je me sens un peu comme un chien qui attend qu'on lui lance un bâton. Si je le pouvais, j'aurais sans doute remué la queue!

Mon regard se braque immédiatement sur Akako.

"Mal? Tu t'es blessée? Je peux peut-être faire quelque chose...."

La guérison est un des supers-pouvoirs des anges, alors autant en profiter!! Mais je m'étonne tout de même de n'avoir rien remarqué...
Attendant sa réponse, j'enlève mon casque en éteignant mon mp3. Ce serait vraiment trop bête de l'oublier et d'aller dans l'eau avec! En parlant d'aller dans l'eau... N'ayant pas prévu spécialement d'aller à la mer, niveau vêtements j'ai rien non plus.
Oh et puis tant pis, j'irais avec mes fringues actuelles! C'est pas comme si je pouvais chopper une pneumonie, non plus.

"Ma... bless'...? Je peu... que chose..."

Je redresse la tête, devinant que c'est à moi qu'on a parlé. Trop amusée par le crabe qui se pavane encore à quelques centimètres de moi, j'ai complètement perdu le fil de la conversation. Je rougis de ma nonchalance et décide de répondre ce qui me parait coller le mieux au peu que j'aie pu entendre:

"Peu importe! On va se baigner? Je sais même plus où j'ai foutu mes habits, tiens."

Je lâche un rire gêné et me relève, remarquant que Mai a déjà retiré sa robe. Décidément, il faut que j'arrête d'être aussi lunatique, sous peine d'avoir l'air bête.

"Mal? Tu t'es blessée? Je peux peut-être faire quelque chose...."

Ren a l'air sérieux, tout à coup. Et très protecteur. Décidément, il a tout pour être un ami sympa!

"Peu importe! On va se baigner? Je sais même plus où j'ai foutu mes habits, tiens."

Akako n'a pas l'air d'avoir suivi la conversation, mais en tout cas, elle veut bien qu'on aille dans l'eau! Ni une, ni deux, j'y suis déjà jusqu'aux reins. Elle est un peu froide quand même, mais ça ne m'empêche pas de crier :

"Yahouuuuuuuu! Le dernier au rocher là-bas paie sa tournée de glace, ça vous dit? Mon parfum préré c'est stracciatella!!!"

Je les attends en essayant de m'enfoncer dans l'étendue bleue jusqu'au cou...

Bon, tout semble aller bien finalement. Akako est motivée pour se baigner, Mai a retiré sa robe sous laquelle elle porte un -très joli- maillot de bain et nous nargue déjà dans l'eau.

"Yahouuuuuuuu! Le dernier au rocher là-bas paie sa tournée de glace, ça vous dit? Mon parfum préféré c'est stracciatella!!!"

Je rigole en jetant ma veste sur le sable

"Alors là, si il y a des glaces en jeu je ne répond plus de rien!!! Mais laissez-moi trente secondes pour enlever mes baskets."

Sitôt dit, sitôt fait, je vire aussi mes chaussettes et me voilà pieds-nus. Je n'ai plus qu'à me débarrasser de mon T-shirt -ce que je fais sur le champ en chantant à tue-tête un air de strip-tease et en remuant des hanches, attitude qui aurait fait mourir de rire ma sœur Anzu.

"Ne cherchez pas, mon jean par contre je le garde!!" je m'exclame en entrant à mon tour joyeusement dans l'eau.

"Yahouuuuuuuu! Le dernier au rocher là-bas paie sa tournée de glace, ça vous dit? Mon parfum préré c'est stracciatella!!!"

Je me relève et regarde Mai batifoler joyeusement dans l'eau. Quant à Ren, il se déshabille en mode streap tease pour la rejoindre.

"Ne cherchez pas, mon jean par contre je le garde!!"

Je ris doucement tandis qu'il se précipite vers la mer. Je les observe un moment, soupire, puis vais les rejoindre. Je m'enfonce dans le liquide aqueux, faisant bien attention aux méduses, cette fois-ci.
Ces deux là vont tellement bien ensembles que ma mine sombre risque de tâcher le tableau. Quand bien même, je nage vers eux et les éclabousse, sourire malicieux aux lèvres.

Ren se déshabille en mode "strip-tease", ce qui me fait rire aux éclats.

"Ne cherchez pas, mon jean par contre je le garde!!"

"OOoooh, c'est dommage!" Je lui adresse un grand sourire et lui tire la langue. Il me rappelle mon petit frère, Kouji.

Akako nous rejoint elle aussi, mais elle a l'air triste. Pourtant, elle nous éclabousse en riant.

"Hey, Akako! C'est quoi ton parfum de glace préféré, à toi?"

Je me mets en place pour nager le plus vite possible jusqu'au rocher, mais je fais tout de même attention aux méduses, qui sait, peut-être qu'il y en a encore d'autres dans le coin. En plus elles n'ont pas d'odeur! Quelle poisse...

"OOoooh, c'est dommage!"

Mai me tire la langue, je lui fait un sourire enjôleur en l'éclaboussant quand arrive Akako en chahutant, un sourire malicieux aux lèvres. Mais pourquoi est-ce que je sens un fond de tristesse, derrière cette façade joyeuse? Je n'ai pas le temps de poser la question que Mai intervient:

"Hey, Akako! C'est quoi ton parfum de glace préféré, à toi?"

Et elle part à fond vers les rochers, fendant l'eau à une vitesse respectable. J'hésite entre la poursuivre ou demander à Akako ce qui ne vas pas... Mon instinct d'ange étant plus fort que ma gourmandise, je me tourne vers elle. Mais j'ai le sentiment qu'elle ne me répondra pas si je lui pose une question directe, alors je me contente de lui faire un grand sourire en lui demandant:

"Motivée?!"

"Hey, Akako! C'est quoi ton parfum de glace préféré, à toi?"

Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle nage déjà rapidement vers les rochers. Ren, au lieu de la suivre, me demande:

"Motivée?!"

Motivée? Pour manger des glaces? Je l'observe, réfléchissant à la question. Je n'ai jamais eu goût aux glaces, c'est à peine si j'en ai mangé assez pendant cette longue vie. Vie en majorité composée d'ennui et de vide, de naissances et de morts et... de poissons. Je finis d'achever mon humeur par ces pensées sombres. Alors qu'on était finalement venus pour s'amuser, il faillais quand même que je gâche l'ambiance avec mes auto-sarcasmes. Une boule se forme dans ma gorge, mais je reste de marbre. Je souris, pas très convaincue de ma propre expression. Je devais passer pour une dérangée dis donc.

"Oh, puis pourquoi pas, histoire de goûter la fraise."

Je crois que finalement, je n'ai quand même pas posé la bonne question. Je vois la mine d'Akako s'assombrir et ça me fait mal... Ah là là, Ren, t'as encore du boulot avant d'être à la hauteur de ta nature!!

"Oh, puis pourquoi pas, histoire de goûter la fraise."

Sa voix est comme étranglée et elle aborde une expression qui se voudrait joyeuse mais ne l'est pas vraiment. L'envie de la prendre dans mes bras me traverse -oui je suis comme ça, j'ai tendance à vouloir faire des câlins à tout le monde pour tout arranger- mais je me retiens pour le moment. Je pose juste une mains légère sur son épaule et lui demande doucement:

"Akako? Qu'est-ce qui se passe?" J'essaye de lui transmettre des émotions positives comme je voyais mes parents le faire quand ils s'occupaient des gens autour d'eux, ils semblaient alors presque irradier de sérénité... Je suis encore loin de les égaler cependant, surtout mon père, capable d'apaiser une dispute violente par sa seule présence. Mais j'essaye quand même. Si ça peut aider Akako à se sentir mieux... Puis j'ajoute: "Si tu ne veux pas en parler je n'insisterais pas. Mais j'aimerais pouvoir t'aider..."

Je vois qu'il peine drôlement à me croire. Suis-je si fausse? Il pose sa main sur mon épaule, et je sens son aura protectrice autour de moi, comme s'il voulait que je ressente un peu de paix.

"Akako? Qu'est-ce qui se passe?"

Je frissonne à cette question, et ai encore plus envie de me frapper, histoire de retrouver un peu mes esprits.

"Si tu ne veux pas en parler je n'insisterais pas. Mais j'aimerais pouvoir t'aider..."

Je plonge mes yeux dans le siens, essayant de communiquer par la vue. On m'avait dit que quand les paroles n'arrivent pas à exprimer tout ce qu'on veut dire, il suffisait d'un regard pour transformer le silence en hurlement. Je finis par répondre, me trouvant un peu bête de penser à ça maintenant:

"C'est bon, ça m'arrive de temps en temps. Il faut juste que je pense à autre chose. Oh, allez, on me met de coté et on rejoint Mai. Elle s'ennuiera si elle ne nous voit pas arriver...!"

Je souris, de mieux que je peux.