[PV Ryuko]

Une fois de plus, je marchais dans la forêt. Cela me faisait penser à mon pays natal, que j'avais quitté depuis plusieurs années. Il était si loin d'ici... Pour avoir la même sensation qu'il y a quelques temps, j'enlevais mes chaussures et marchais pieds nus dans l'herbe. Comme ça faisait du bien. Je sentais l'herbe refroidie par la terre caresser mes orteils, et chatouiller la plante de mes pieds. Je me suis revue, alors que j'avais sept ans, à marcher dans l'herbe, exactement de la même manière. Je n'avais pas encore rencontré Yasei. Je me sentais toute seule, à cette époque. Quand je rouvris les yeux, une pointe de nostalgie surgit dans mon cœur. Je regardais la nature autour de moi, les grands et majestueux arbres dont les feuilles dansaient au gré du vent, les oiseaux sifflant des chants mélodieux... C'était tout simplement magnifique. Un moment épuré de toute la cruauté du monde, comme si rien n'existait en dehors de cet endroit si calme, si pur. Le Soleil perçait à travers l'épais feuillage, et répandait une lumière douce, tamisée.
Je m'assis sur un tronc d'arbre couché, probablement à cause d'une récente tempête. Je regardais encore longuement la forêt, les arbres s'étendant à perte de vue. J'aurais bien voulu rentrer chez moi, juste un instant, mais je ne connaissais pas le chemin. J'étais perdue, loin de ceux que j'aimais. Même Yasei avait disparu. Je repliais mes genoux contre mon ventre, les bras le encerclant pour qu'ils ne glissent pas sur l'écorce. Je sentais la mélancolie prendre une grande place dans mon esprit. Pourquoi il n'était pas là ? Pourquoi nous ne sommes pas tombé au même endroit ? D'accord, c'est moi qui ai perdu prise en première, mais lui, il a continué. C'était-il rendu compte de mon absence ? Était-il en train de me chercher ?
Ce n'était pas en me posant toutes ces questions inutiles et en me morfondant dans mon coin que j'allais le revoir. Vivement, je me ressaisis et sautais sur mes pieds. C'est ce moment la que choisi Ryuko pour entrer en scène.

J'aime la forêt. Vraiment. C'est un endroit où je me sens bien, où je me sens chez moi. C'est probablement dû à mon enfance passée à faire les quatre cent coups dans les bois encore sauvages qui entouraient le dojo familial...

Ce jour là, j'avais décidé de retourner saluer le vieux Ginko sur lequel je m'étais endormie le jour de ma première balade dans le sanctuaire de ces arbres à mes yeux sacrés, le même soir où j'avais croisé les filles dans la cuisine, le même soir où javais entendu Akako jouer de l'harmonica pour la première fois.
Je marchais donc sous l'ombre douce des feuillages, passant mes mains sur les écorces chauffées par le soleil en souriant. C'était comme retrouver de vieux amis. En y repensant, j'avais tendance à préférer la compagnie des arbres à celle des autres personnes, quand bien même j’appréciais mes nouvelles connaissances. Perdue dans mes pensées, je marchais au hasard, fredonnant une mélodie tout droit sortie de mon imagination. Tiens d'ailleurs il faudrait que je pense à la noter, celle la...
Et c'est parce que j'étais concentrée sur ma nouvelle musique que je ne remarquais l'elfe assise sur un tronc d'arbre qu'au mouvement qu'elle fit pour se relever. Si elle n'avait pas bougé, je lui serait probablement passé devant sans la voir, complètement absorbée par mon effort de composition musicale. Mais elle bougea, et assez vivement, ce qui me fit sursauter. Je braquait mes yeux bicolores sur elle, essayant de me rappeler où est-ce que je l'avais déjà vue... Ah, voilà, c'était dans le jardin le jour où on avait dégotté tout pleins de pierres étranges. Shizukesa, si je ne me trompais pas -ce qui ne m’inquiétais pas trop vu que je n'ai jamais eu de mal à retenir les noms des gens. Instantanément, mon diagnostic à son propos se présenta dans mon esprit: rapide, surement endurante, mais pas spécialement dangereuse. Ce jour là, elle avait l'air mélancolique....

"Bonjour" fis-je avec mon air impassible habituel.

Elle avait l'air un peu surprise de rencontrer quelqu'un ici. C'est vrai que peu de gens s'aventurent jusqu'ici. C'est pour cette raison là aussi que je m'isole dans ce coin. Personne ne viens me déranger. Enfin, si, elle est quand même là, mais je l'aime bien, donc ça va. Elle me parait gentille. Je la regarde un instant, elle essaie de se souvenir de qui je suis ? Peut-être. Son hésitation ne dure pas longtemps, elle m'adresse rapidement la parole.

Bonjour

Elle n'avait plus d'expression particulière sur le visage. Seuls ses yeux, l'un bleu, l'autre couleur or, se démarquaient sur sa peau pâle. Ils étaient très beaux ses yeux. Reflétant à la fois l'eau et le feu. Enfin, ça c'est juste mon avis. Il parait que les elfes sont un peu comme les poètes, ils voient des choses bizarres...

Remarquant brusquement que le silence s'était à nouveau installé, je sortais de mes rêveries pour continuer la conversation.

Ah, bonjour ! Tu es Ryuko, c'est ça ?

Je lui lançais un grand sourire amical, pour lui montrer que j'étais inoffensive. Ça aussi, ça rassure les gens. Alors que chez nous, quel que soit la tête que l'on fait, on lit l'humeur et l'intention des gens directement dans leur coeur, reflété par leurs yeux. Oui, cela peut être étrange pour certains, en particulier pour les humains, qui ne comprennent pas grand chose aux créatures dites "fantastique", comme les elfes ou les loup-garous, etc.
Je regardais encore autour de moi, l'air frais caressant mon visage. Je retournait ma tête vers elle.

Au fait, pourquoi tu es venue jusqu'ici ? Il n'y a pas foule...

"Ah, bonjour ! Tu es Ryuko, c'est ça ?"

Elle avait dit ça avec un grand sourire sympathique, ce qui me surprit un peu. Pas l'habitude que des gens que je connais à peine soient contents de me voir.

"Au fait, pourquoi tu es venue jusqu'ici ? Il n'y a pas foule..."

Je regardais autour de moi, me penchant sur la question. Pourquoi étais-je venue, déjà?

"Je viens saluer un vieil ami." m'entendis-je répondre, sans préciser que le vieil ami en question était un Ginko Biloba d'une bonne centaine d'année et de plusieurs mètres de haut. "Et toi?"

Peut-être qu'elle allait trouver bizarre le fait que je parle d'un arbre comme de mon ami. Ou pas. Après tout, c'était une elfe, non? Je n'en avais jamais rencontré (c'est pas vraiment ce qui courts les rues ou même les forêts, au Japon) mais les légendes les disaient proche de la Nature... Et puis dans tous les cas, j'ai l'habitude de passer pour une dérangée.

Je viens saluer un vieil ami. Et toi?

Elle semblait un peu mal à l'aise, comme si elle n’avait pas vraiment voulu répondre cela. Mais ce n'était pas mes affaires. Après tout, elle fait ce qu'elle veut.
Il paraît que c'est un bon point pour nous, les elfes, de ne jamais s'occuper des affaires des autres sans y être invité. Mais ça ne veux pas dire que l'on n'est pas curieux...

Je cherchais la tranquillité... Dis-moi, si c'est pas trop indiscret, qui c'est, ton ami ? Je n'ai vu personne...

En effet, en ce moment, personne d'autre que nous d'eux ne s'aventurait dans la forêt, je le sentais. De toute façon, il n'y avait pas beaucoup de monde pour venir, alors qui pouvait bien être cet ami ?

Ah, et il fallait que je lui pose ma fameuse question, que je pose à tout le monde depuis mon arrivée.
Mais d'abord il faut avancer un peu dans la conversation, sinon ça va être très déplacé.

Et voilà que je me remets à penser à lui. Yasei... Il me manque tellement. J'aimerais le retrouver sur le champ, mais comment je peux bien faire ? Je ne sais pas où il est...

"Je cherchais la tranquillité... " Ah tiens, une collègue... "Dis-moi, si c'est pas trop indiscret, qui c'est, ton ami ? Je n'ai vu personne..."

J'hésitais un instant. Oh, et puis zut.

"C'est un arbre"

J'avouais cela en la regardant droit dans les yeux, attendant sa réaction. Je remarquais au passage qu'elle semblait bien mélancolique et en même temps comme désireuse de me poser une autre question. Qu'avais-je dit qui la renvoyait à des probables souvenirs douloureux?

C'est un arbre

Alors ça, je ne m'y attendais pas du tout. J'étais tellement surprise que j'ai failli éclater de rire. Mais par respect pour elle, je ne l'ai pas fait. A la place j'ai ouvert de grands yeux, comme une andouille. Pour le coup, j’oubliais même Yasei.

Ah, bon ? C'est un peu étrange que les "non-elfes" aient des arbres pour amis. Enfin, moi je peux bien le comprendre mais ce n'est pas commun. Et il est où, ton ami ?

Je lui faisais à nouveau un grand sourire sincère, sans aucune trace de moquerie. De toute façon, il n y avait pas de quoi rire. Allons plutôt voir cet arbre. Ça me changera un peu les idées. Et puis maintenant, je veux voir à quoi il ressemble.

Je vis Shizukesa écarquiller les yeux, comme prise totalement au dépourvu. En y réfléchissant, c'était pas très étonnant non plus... Mais elle n'éclata pas de rire. Elle ne se rua pas sur un annuaire pour contacter l'asile le plus proche. Bon, okay, les annuaires en forêt c'est pas ce qui court les rues mais l'intention aurait pu y être. Non, à la place elle me fit un grand sourire et dit simplement:

"Ah, bon ? C'est un peu étrange que les "non-elfes" aient des arbres pour amis. Enfin, moi je peux bien le comprendre mais ce n'est pas commun. Et il est où, ton ami ?"

Alors c'était vrai, cette histoire d'elfes fondus de nature... Je laissais enfin un léger sourire flotter sur mes lèvres en l'entrainant avec moi.

"Ça fait longtemps que j'ai abandonné l'espoir d'être commune. Viens, il est par là..."

Après quelques minutes seulement de marche, nous arrivâmes au pied d'un magnifique Ginko au tronc assez large et aux branches noueuses, un peu envahit par la mousse mais filtrant la lumière du jour à travers ses feuilles avec élégance. Oui, je sais, ça peut paraître bizarre de dire ça d'un arbre...

Ça fait longtemps que j'ai abandonné l'espoir d'être commune. Viens, il est par là...

Elle est rigolote en fait. Je l'aime bien. Je voudrais devenir son amie, mais comme pour l'instant je n'en ai qu'un et que c'est un peu particulier... Comment je fais ? Je suis même pas sûre d'être quelqu'un de sociable...
En tout cas maintenant elle souriait. On marchait toutes les deux vers l'Est, en direction du fameux ami-arbre.

Lorsque je l'ai vu, je n'ai même pas pensé une seconde que ça aurait pu être un autre arbre.
Un centenaire. Il était tout simplement magnifique. Je trouve qu'il n'y a rien de plus beau qu'un arbre de plusieurs centaines d'années. De longues branches sinueuses, une petite mousse verte... Et des feuilles somptueuses, rendant de beaux effets d'ombres sur la terre brune.

Je ne pus m'empêcher de pousser un petit cri d'admiration. Pendant quelques instant, j'étais coupée du monde, presque muette devant la magnificence du Ginko.

Shizukesa était tellement admirative qu'elle laissa échapper un petit cri, ce m'emplit inexplicablement de fierté. N'importe quoi, vraiment...
Mais ça n'empêchait, j'étais heureuse d'être en sa compagnie, vraiment, aussi incroyable que ça puisse paraître venant de quelqu'un comme moi. Peut-être que c'était parce qu'elle aussi était réceptive à la splendeur de cet arbre majestueux? Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas partagé cela avec quelqu'un. Même Adam et Lesley, pourtant deux des personnes les plus ouvertes que je connaissent, ne comprenait pas l'effet que peut me faire la beauté naturelle des merveilles de la Terre. Sur le coup, j'avais mis ça sur nos différences de cultures, mais j'avais eu tort semblait-il, puisque Shizukesa aussi savait s'émerveiller de cela...

Je laissais passer un moment de silence, dont j'ignore encore la durée tant cet instant semblait intemporel, puis me permis de briser cette transe dans laquelle nous étions presque plongées.

"Viens," fis-je doucement en commençant à monter avec souplesse et légèreté sur les branches les plus basses, "la vue d'en haut est magnifique..."

Au fond de moi, j'étais un peu surprise de vouloir partager cela avec quelqu'un, je crois...

Alors que nous fixions toutes les deux l'arbres, le ez en l'air, la voix de Ryuko me sortit de ma rêverie.

Viens, la vue d'en haut est magnifique...

Elle commençais déjà à monter, avec douceur et précaution, faisant attention de ne pas casser les branches de l'arbre. Je la suivais, à un rythme un peu plus accéléré, ayant peut-être plus l'habitude de grimper partout... Il faut dire que ça fait déjà plusieurs centaines d'années que je m'entraîne. C'est un automatisme maintenant. J'avais hâte d'arriver au sommet. Pour voir enfin la forêt dans son ensemble. Car c'était bien l'arbre le plus grand ici, on le sentait dans chacune de ses feuilles, chacune de ses branches...
Secouant légèrement ma tête pour en sortir les idées qui fusaient de tous côtés sur la beauté de l'arbre, je regardais où j'en étais d'en mon ascension. J'étais montée un peu trop haut... Ryuko était en dessous de moi. Je m'asseyais sur la branche sur laquelle j'étais et attendis qu'elle vienne à ma hauteur, culpabilisant de l'avoir dépassé alors que c'était à elle de me montrer le chemin. Je me sentis vaguement rougir, et baissais les yeux.
J'espère qu'elle ne va pas être fâchée... Je la laisserais atteindre le sommet en première.

Shizukesa me dépassa bien vite. Elle semblait vraiment dans son élément, la façon dont elle bougeait me rappelait un peu l'aisance de Chikanori, le type-qui-n'est-pas-humain-mais-ne-veux-pas-avouer-ce-qu'il-est-mais-ce-qui-est-sur-c'est-qu'il-l'est-depuis-un-sacré-bout-de-temps-et-qu'il-est-lié-à-la-nature qui habitait dans la forêt entourant le dojo Hayate. Même fluidité dans les mouvements, même légèreté... Peut-être un peu plus de grâce chez Shizu-chan, cependant? Et moi qui à côté n'avait (supposément?) pas joué les acrobates dans les arbres depuis au moins 3ans... J'avais l'air pataude et lente, à coté. Pourtant dans le temps je me débrouillais pas si mal!
L'elfe se rendit compte de mon retard et s'assit sur une branche pour m'attendre, apparemment prise de remords. Je comprenais plus ou moins bien les raisons de ce sentiment mais, si c'était bien de la gêne à l'idée de m'avoir potentiellement vexée par ses capacités en ce point supérieures aux miennes, qu'elle se rassure, je ne lui en voudrait pas spécialement pour ça. J’essayais d'imprimer un air aimable sur mon visage d'ordinaire impassible et arrivais à sa branche, à peine essoufflée remarquais-je au passage non sans une pointe de fierté. Bon, d'accord. J'avais peut-être été un peu blessée dans mon égo. Mais vraiment, je me mis des baffes mentales en m'en apercevant. Ce n'étais pas là le genre de comportement qu'on m'avait enseigné. Ce n'étais pas digne de Ryuko Tarôtsuki. Eh ouais.

"Tu grimpe bien, c'est impressionnant!" la complimentais-je avec un petit sourire plein de sympathie (enfin, autant que je pouvais en mettre dans un sourire, quoi.).

Elle arriva à ma hauteur assez rapidement, le sourire aux lèvres. Elle n'avait pas l'air vexée, tant mieux.

Tu grimpe bien, c'est impressionnant!

Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me complimente et commençait à rougir. Je balbutiais vaguement un petit "merci", pas très persuasif à mon avis. Sa remarque m'avait quelque peu intimidée. Je baissais légèrement la tête, avant de tenter de me reprendre. Je me redressais vivement, la regardant droit dans les yeux.

On continue ?
Je tentais un sourire, ne sachant ce que cela avait donné. Je la laissais me dépasser, puis la suivit, plus lentement.

Nous escaladions encore un moment, avant d'atteindre la cime de l'arbre. En effet, la vue était magnifique. J'en restais sans voix, tellement c'était beau. Il faut dire que je n'ai pas besoin de grand chose pour être comblée. Montrez moi une forêt et je suis au paradis. Nous restâmes quelques instants, à contempler en silence la mer de feuilles qui, poussées par le vent, formaient de douces vagues. Il n'y avait pas de mots pour décrire cet instant magique.
Si j'avais pu arrêter le temps, et vivre à jamais un seul moment, ça aurait été celui-là.

Je sortis brusquement de mes rêveries. Décidément, ça m'arrivait de plus en plus souvent. Je tournais la tête vers Ryuko.
Le visage de Yasei revint doucement dans mon esprit. Il fallait que je lui demande. Maintenant.

Excuse moi de te déranger, mais tu n'aurais pas vu un hybride chouette dans les parages ? Il s'appelle Yasei, c'est mon... Mon meilleur ami et je le cherche...

C'était peut-être un peu confus comme question... je n'avais même pas été très honnête. Yasei, c'est plus qu'un ami pour moi, c'est quelqu'un de ma famille. Pas génétiquement, mais je le sens dans mon coeur. J'ai besoin de lui pour vivre. Je me sens triste quand il n'est pas à mes côtés. Il faut que je le revoie... Il me manque terriblement, surtout en ce moment, je ne sais pas pourquoi.

Mais je ne peux pas le lui dire ça... C'est trop compliqué. Je ne pourrais même pas l'expliquer avec des mots.

Enfin arrivé dans les plus hautes des branches nous restâmes, encore une éternité contenue dans quelques secondes, muettes de contemplation devant l'océan de feuilles qui se mouvait en contrebas. J'inspirais profondément l'air légèrement parfumé de la forêt, détendue, en paix. Je crois bien que je pourrais rester des années ainsi, juste en méditation sur une branche dans un arbre, loin des hommes, loin de tout... Comme ce serait une vie reposante...

"Excuse moi de te déranger, mais tu n'aurais pas vu un hybride chouette dans les parages ? Il s'appelle Yasei, c'est mon... Mon meilleur ami et je le cherche..."

Je continuais à fixer l'horizon sans bouger, concentrée. Un hybride chouette... J'avais peut-être une idée, mais je n'en étais absolument pas certaine. Cependant, en repensant à l’intonation de Shizukesa vers la fin de sa demande, je me dit que si j'avais été à sa place, j'aurais aimé avoir une piste, même fausse ou pas très claire. Elle avait l'air très attaché à son Yasei... Après un long moment de silence, je finis par me tourner vers elle et répondre d'une voix douce:

"Je n'en suis absolument pas certaine, mais s'il s'agit d'un type avec trois paires d'ailes sombres et des cheveux gris, il est possible que je l'ai aperçu par la fenêtre du train en venant au pensionnat pour la première fois. Mais ça commence à dater et je ne sais plus vraiment à quel endroit du Japon j'ai cru voir ce type."

Je me tus, attendant sa réaction.

Elle ne bougeait, elle regardait toujours droit devant elle. M'avait-elle entendu ?
Puis elle murmura, tout doucement :

Je n'en suis absolument pas certaine, mais s'il s'agit d'un type avec trois paires d'ailes sombres et des cheveux gris, il est possible que je l'ai aperçu par la fenêtre du train en venant au pensionnat pour la première fois. Mais ça commence à dater et je ne sais plus vraiment à quel endroit du Japon j'ai cru voir ce type.

Elle l'avait vraiment vu ? Pourquoi cela m'étonnait autant ? Il n'allait pas non plus se cacher, ça ne lui correspondait pas... Mais il préférait voler la nuit. Alors c'était peut-être le fait qu'il soit sortit pendant qu'il faisait jour... Mais ce n'est pas le plus important. L'essentiel, c'est qu'il soit vivant. Mais j'avais comme l'impression que Ryuko voulait plus me réconforter. Je n'arrivais cependant pas à voir si elle mentait ou non. Et je n'allais certainement pas le lui demander...

je lui lançais d'une tout petite voix :

Même pas une vague idée ?

Je voulais vraiment le revoir, et n'importe quelle piste m'y aiderait.

Shizukesa semblait à la fois surprise et légèrement sur ses gardes, à moins que ce ne soit juste moi qui soit parano. Elle murmura, comme si elle n'osait pas s'accrocher à mes paroles ou aux siennes:

"Même pas une vague idée ? "

"Alors c'est bien lui?"

Je fouillais dans ma mémoire en me mordant la lèvre sans y faire attention.

"C'était assez tôt le matin il faisait encore sombre et je n'ai pas du tout fait attention aux villes et villages qu'on a traversé, je suis désolée. Par contre, je me souviens que c'était près du littoral..."

Pas très étonnant sur un archipel mais bon... Une idée me frappa soudain.

"Eh, il faudrait regarder sur une carte avec les réseaux ferroviaires!!! En me basant sur la vitesse moyenne du train et sur l'heure -tardive- de mon départ je peux calculer l'emplacement approximatif de l'endroit où j'ai vu ton Yasei, puisque je me souviens à peu près de l'heure qu'il était !!"

Je me tut en me rendant compte du ton enthousiaste que j'utilisait. De mieux en mieux. Si ça continuait, j'allais devenir... Sociable?!

Alors c'est bien lui?

J’acquiesçais silencieusement.
Elle essayait de trouver d'autres indices, mordillant sa lèvre.

C'était assez tôt le matin il faisait encore sombre et je n'ai pas du tout fait attention aux villes et villages qu'on a traversé, je suis désolée. Par contre, je me souviens que c'était près du littoral...

Alors qu'elle avait utilisé une voix calme jusqu'ici, elle s'écria soudain :

Eh, il faudrait regarder sur une carte avec les réseaux ferroviaires!!! En me basant sur la vitesse moyenne du train et sur l'heure -tardive- de mon départ je peux calculer l'emplacement approximatif de l'endroit où j'ai vu ton Yasei, puisque je me souviens à peu près de l'heure qu'il était !!

J'étais tellement surprise que j'en ai sursauté. Cela faisait longtemps que ça ne m'était pas arrivé. Je la regardais surement avec un air un peu stupide, ayant du mal à remettre mes idées en place. Je me repris et murmurais encore un peu déboussolée :

Heu... Oui, d'accord. Tu as une carte ?

Sur elle, je ne pense pas. Mais à l'internat, on trouve un peu de tout...

Je me sentis rougir un peu en voyant la tête que tirait Shizukesa en me dévisageant. Alors là, bravo Ryuko, tu viens encore de passer pour une tarée!! Elle finit quand même par dire:

"Heu... Oui, d'accord. Tu as une carte ? "

Je haussais les épaules en m'asseyant les jambes dans le vide sur la branche, laissant mon regard errer une fois de plus sur le magnifique spectacle que nous offrait la nature.


"Pas sur moi, mais on aura qu'à passer à la gare en revenant à la pension si tu veux."

Je ne savais pas quoi dire de plus alors je ne dit rien. En un sens, ça me rassurait un peu parce que je ne sais jamais quoi dire. Mais ça ne m'arrangeait pas spécialement, comme d'habitude...

Ryuko rougit devant mon air perdu. A ma réponse, elle s'assit sur une branche, laissant pendre ses jambes, contemplant la mer de feuilles encore une fois. Je fixais également l'horizon, apaisée. Yasei n'était pas loin. J'allais le revoir.

Pas sur moi, mais on aura qu'à passer à la gare en revenant à la pension si tu veux.

La gare ? Je ne savais pas non plus où c'était. Mais de toute façon, j'aurais besoin de son aide, c'est elle qui l'a vu, pas moi. Elle pourrait donc m'y conduire, normalement. Je remarquais que Ryuko ne disait plus rien. Perdue dans mes réflexions, je ne l'avais pas vu avant...Je me mordis doucement la lèvre, regrettant d'être autant dans la lune.

Tu veux qu'on reste encore un peu ici ? On n'est qu'en milieu d'après midi, on a le temps..

C'est vrai, la nuit n'est pas prête de tomber. Et puis on était si bien ici. Maintenant que j'avais une piste, cela ne pressait pas tant que ça, de partir à sa recherche. Du moins, pas dans la seconde.
Je contemplais encore un instant l'océan de verdure, en pleine harmonie avec moi-même.

Alors que je replongeais dans mes pensées, l'air que j'étais en train de composer avant de rencontrer l'elfe revient me hanter. Il était vraiment génial, en toute modestie...

"Tu veux qu'on reste encore un peu ici ? On n'est qu'en milieu d'après midi, on a le temps.."

Shizukesa me fit sursauter en demandant ça. Je sortis mon fidèle cahier noir et déchiqueté de la poche intérieure de ma veste en répondant:

"Avec plaisir. Mais, euh... Ça te dérange si je fredonne?"

Je me sentis rougir en demandant ça. J'ai généralement horreur de chanter devant des gens, et de composer encore plus. Mais là, j'avais l'impression que j'allais oublier cet air si je ne le notais pas tout de suite et en plus je me sentais inspirée, donc... Il me faudrait faire une exception. En même temps j'étais curieuse de savoir ce qu'écoutaient les elfes et la question m’échappa des lèvres avant que Shizukesa ait le temps de répondre à la précédente.

"Eh au fait, t'aime bien quoi comme genre de musique? Tu joues d'un instrument?!"

Épatant comme ce sujet me transformait en grosse curieuse.

Je la vis sursauter à ma question. J'effraie les gens ou bien elle aussi se retire dans ses pensées ?
Se ressaisissant, elle sortit un petit carnet noir déchiqueté de sa veste avant de me répondre.

Avec plaisir. Mais, euh... Ça te dérange si je fredonne?

Elle commençait un peu à rougir et enchaîna directement avec une autre question, avant que je n'ai pu répondre à la première :

Eh au fait, t'aime bien quoi comme genre de musique? Tu joues d'un instrument?!

Euh... Si je joue d'un instrument ? J'étais un peu prise au dépourvu, là... Je ne savais pas trop quoi répondre. Je me lançais finalement, choisissant bien mes mots :

Euh, déjà, ça ne me dérange pas que tu fredonne. Et ensuite, je ne sais pas trop quel est mon genre de musique, je n'ai jamais écouté d'autre musique que celle jouée par les personnes de mon village. Moi, je joue du Lömbah, c'est une sorte de flûte avec deux embouts. Et je chante aussi. Si tu veux, je peux te faire un petit air, après que tu ai noté ce que tu voulais. C'est pour cela que tu as sortit ce calepin, c'est ça ?

En l'écoutant je sentis mes yeux se remplir d'étoiles. Oui je sais c'est parfaitement ridicule mais la musique me fait cet effet là.

"C'est vrai? Je veux dire, tu as ton instrument sur toi? Et tu accepterais de me jouer un morceau?!! Je crois que j'ai jamais entendu du Lömbah... Tu pourrais chanter aussi? J'ai toujours rêvé d'entendre un elfe chanter il parait que c'est très beau..."

Mon cerveau assimila enfin le fait qu'elle m'avait posé une question et j’arrêtais de la bombarder de questions en rougissant un peu à nouveau.

"Hem, désolée." Je me mordis la lèvre et triturais la couverture déjà bien amochée de mon cahier. "Ouais, c'était pour noter un truc."

Tss. Voilà que je me remettais à faire des phrases super courtes et très sèches, elle allait finir par me prendre pour une fille complètement bipolaire si je continuait comme ça.

Ryuko semblait être aux anges quand je lui parlais des instruments elfiques.
Elle me bombarda de questions.

C'est vrai? Je veux dire, tu as ton instrument sur toi? Et tu accepterais de me jouer un morceau?!! Je crois que j'ai jamais entendu du Lömbah... Tu pourrais chanter aussi? J'ai toujours rêvé d'entendre un elfe chanter il parait que c'est très beau...

Tout à coup, elle s'arrêta, sembla se souvenir que je lui avais posé une question et répondit en se mordant la lèvre.

Hem, désolée. Ouais, c'était pour noter un truc.

La voir aussi excitée alors que je ne lui parlais que de musique me fit sourire. Elle était marrante, en fait. La musique était peut-être très importante pour elle. Je décidais donc de ne pas faire de remarques, elle avait déjà l'air un peu mal à l'aise, pas la peine d'en rajouter.
Je crois que le Lömbah et le chant elfique lui ont fait sortir son idée à noter de la tête... J'espère qu'elle va se souvenir de ce qu'elle voulait écrire.

Oui, oui, je pourrais chanter et jouer du Lömbah après... Mais note d'abord ce que tu voulais dans ton calepin, tu risque d'oublier sinon.

J'avais dit cela d'un ton amical, espérant qu'elle ne le prendrais pas comme un ordre, mais plus comme une suggestion.